
Séance du Séminaire de sémiotique avec Veronica Estay Stange et Pauline Hachette.
Veronica Estay Stange - Post-mémoire et transmission
« Une propriété remarquable des objets de transmission, observe René Kaës, est qu’ils sont marqués par le négatif ; ce qui se transmet, ce serait ainsi préférentiellement ce qui ne se contient pas, ce qui ne se retient pas, ce qui ne se souvient pas : (…) la honte, le refoulé, les objets perdus et encore endeuillés. » (Le générationnel, Paris, Dunod, p. 4) En interrogeant la problématique de la « post-mémoire » en tant qu’effet des traumatismes collectifs sur la seconde génération de survivants, nous tenterons de déceler les mécanismes de cette transmission du négatif. Nous développerons l’hypothèse que cette négativité – manifestée entre autres dans des séquences narratives inachevées ou dans des expériences non symbolisées ou verbalisées – se trouve au cœur du phénomène de la post-mémoire, dont la particularité est de ne pouvoir se référer à son objet que par la médiation de constructions imaginaires et fantomatiques.
Pauline Hachette (Université de Paris 8) - Littérature :
ce qui se transmet de l’émotion « du » texte
On considère généralement que le texte littéraire, dans le cas d’une opération réussie, suscite chez son lecteur certaines émotions. On se penche souvent à ce propos sur des modalités de transmission empathiques ou par « contagion » (Landowski), supposant soit une identité de nature entre les émotions représentées dans le texte et celles que peut ressentir le lecteur, soit une « conversion eidétique » recatégorisant l’affect par le moyen des simulacres discursifs (Ouellet).
Nous envisagerons cette problématique à travers un affect, la colère, dont les configurations dans un corpus littéraire du 20ème siècle (Michaux) questionnent et thématisent la complexité en termes de transmission. Qu’est-ce qui se transmet de la colère présente et selon quelles modalités ? Dans quelle mesure sa dimension pathémique a-t-elle une efficience sur le lecteur ?